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I46 NOTICE BIOGRAPHIQUE
Daudet caractérisait récemment par ces deux mots « l'élé-
gant professorat de M. Hignard, (1) » n'empêchaient pas
qu'un aimable enjouement n'y donnât quelquefois sa note.
Il estimait qu'il ne fallait pas demander à de jeunes esprits
un constant effort d'attention, sans les en distraire quelque-
fois. La gaieté resta d'ailleurs jusqu'à la fin un des traits
caractéristiques de cette âme si sereine et de ce caractère si
égal. « Être gai, quelle force pour un professeur! dit
quelque part M. Froment (2)... La gaieté du maître, en
effet, entretient et stimule l'attention de l'élève, elle
prévient la satiété, elle garde à l'esprit son tranchant et sa
pointe. »
Mais ce qui faisait le principal intérêt de cet enseignement,
c'est que nul plus que M. Hignard ne savait faire admirer Ã
ses élèves les grandes œuvres littéraires, éveiller en eux le
sentiment du beau et leur en inspirer le culte, qui, chez
beaucoup d'entre eux, a résisté à toutes les désillusions de la
vie. C'est qu'il avait lui-même l'enthousiasme contagieux
des belles choses. Il me souvient qu'un jour, nous lisant le
discours du P. Lacordaire sur la Vocation de la nation fran-
çaise, il dut s'arrêter sous l'étreinte du sentiment qui faisait
couler ses larmes et remettre le livre a l'un de nous. Il
aimait ainsi, au lieu de prodiguer les formules admiratives,
à mettre ses élèves en face des chefs-d'œuvre. Doué d'une
merveilleuse mémoire, il nous disait quelquefois des scènes
entières de Racine ou de Corneille ou des pièces de Lamar-
tine. Nous étions sous le charme, et rien ne nous en a
jamais fait sentir les beautés comme cette récitation simple
(1) Écrivain et Pacan. Le Journal, 16 octobre 1894.
(2) Saint-Marc Girardiu pédagogue. Le Correspondant du 25 février
1891.