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246 UN ÉPISODE LYONNAIS retarda que peu d'instants le triomphe des Français. L'action n'était pas engagée depuis une heure qu'on assistait à une chasse plutôt qu'à un combat. Des cavaliers laissaient là chevaux et armures. Les fantassins en faisaient autant de leurs arbalètes, de leurs épées, des maillets dont on les avait pourvus pour briser les bassinets et les cuirasses sur le corps des Français. Ce n'étaient que gens éperdus courant dans tous les sens, ceux-ci pour gagner le Rhône, ceux-là pour se cacher dans les blés et dans les bois. L'un de ces fuyards, cherchant une retraite, se jeta dans le creux d'un chêne, ne put en sortir et y périt. Son squelette, encore revêtu du casque et de l'armure, fut trouvé plus d'un siècle après lorsque la hache d'un bûcheron jeta l'arbre à terre (13). Chose vraiment extraordinaire, des chevaliers jusque-là sans peur perdirent la tète à Anthon et furent des pre- miers à tourner bride. Ainsi du comte de Fribourg, qui était venue avec une compagnie de Suisses. Ainsi également du sire de Montaigu, lequel avait reçu des Anglais, pour ses hauts faits passés, la dignité de grand bouteiller de France et du duc de Bourgogne l'ordre, récemment créé, de la Toison d'or. Dégradé comme ayant fui lâchement (aà simililudinan leporis) à la journée d'Anthon, Montaigu s'en alla mourir de honte en Terre Sainte. (13) Ibid. « Une forêt voisine fut le salut de plusieurs et plusieurs aussi y périrent. Un homme d'armes, s'étant jeté dans le creux d'un grand chêne, n'en put sortir et y mourut. Cet arbre fut coupé ces années dernières, et on l'y trouva étendu comme dans une bière ; ses os, couverts de la cuirasse, n'étaient pas entièrement consumés. Voilà un étrange genre de mort ! » Chorier. Hist. générale du Dau- phiné, p. 427.