Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                        LAMARTINE                       337

premières Méditations : quelque chose de délicat, de doux,
de rêveur, de mélancolique, et de court. Quand le poète,
dans les Harmonies, veut frapper plus fort, il ne fait que
frapper moins juste. Et cela dure bien plus longtemps.
   Le livre n'arrivait pas d'ailleurs à son heure, comme
son aîné. J'ai dit l'importance du mot que les Médi-
tations poétiques avaient prononcé brusquement au moment
précis où la génération tout entière l'attendait, prête à le
répéter. Tandis que le premier recueil de Lamartine avait
eu la portée d'un manifeste philosophique et social, celui-ci
ne contenait pas même l'enseignement moyen d'une œuvre
nouvelle d'un vrai poète ; on n'y trouvait que l'amplification
monotone de quelques idées courantes. Puis les Méditations,
en paraissant en 1820, avaient été un verre d'eau fraîche en
plein désert ; à l'apparition des Harmonies, il y avait dix ans
que le public était désaltéré, et par Lamartine lui-même,
et par Victor Hugo, qui avait même su donner une saveur
nouvelle, — fort piquante, — au breuvage. Comme la
critique est raisonneuse de sa nature, et que l'Å“uvre lui
donnait à raisonner, elle applaudit beaucoup le poète déjà
illustre ; mais le public, qui exige impitoyablement qu'on
l'instruise et qu'on l'intéresse, demeura froid en face d'un
livre qui l'ennuyait sans lui apprendre grand'chose.
    Le poète n'y fut sensible qu'à demi, ou plutôt il s'en
aperçut peu ; déjà son souci était ailleurs. Le démon de la
politique le tentait sourdement. Certains traits de son dis-
cours de réception à l'Académie ( 1 " avril 1830), la com-
plaisance avec laquelle il y exposait son propre rêve, en
croyant raconter la vie du comte Daru, avaient donné des
inquiétudes que la Lettre à M. de Cazalès sur la politique
rationnelle ne tarda pas à confirmer. Lamartine, toutefois,
 ne se laissa pas d'abord prendre tout entier, car, parmi ses