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iS8                        BIBLIOGRAPHIE

se trouvaient entre autres le cardinal de Bérulle et le Père
Mersenne, Descartes, alors âgé de trente-deux ans, entendit
discourir sur la philosophie un certain M. Chandoux. Phi-
losophe superficiel, mais beau diseur, M. Chandoux séduisit
l'assemblée tout entière, à l'exception de Descartes. Le
cardinal de Bérulle, qui avait vu la réserve du jeune savant,
lui demanda ce qu'il pensait d'un discours que tout le
monde avait admiré. Descartes répondit d'abord qu'après
l'approbation de tant d'illustres personnages, il ne pouvait
que se ranger à l'avis général. Mais le cardinal et le nonce
ayant insisté, il ne put se taire plus longtemps. Après avoir
loué par politesse l'éloquence de l'orateur, il fit observer
combien il était aisé de faire passer le faux pour le vrai et le
vrai pour le faux.
    Afin d'en faire l'épreuve, il demanda que quelqu'un de
 la compagnie voulût bien lui présenter telle vérité qui parût
 le plus incontestable. On lui en présenta une; mais avec
 douze arguments dont la vraisemblance allait croissant, il
 montra que la proposition était fausse. Il demanda ensuite
 l'épreuve contraire. On lui posa une proposition d'une
 fausseté incontestable : il montra qu'elle était vraie. L'as-
 semblée fut confondue ; on le serait à moins (r).
    Faut-il conclure de ce fait l'impossibilité d'arriver à la
  vérité ? Assurément non ; mais seulement que nous devons
  tout examiner avec une défiance extrême, et que si nous
  avons un autre moyen que le raisonnement pour juger une
  philosophie, nous ferons bien d'en user. C'est ce qui nous
 arrive pour la philosophie pendant la Révolution française.
  Nous pouvons juger l'arbre à ses fruits. Les fruits ont été
  mauvais, donc la philosophie était fausse.

  (i) MILLET. Histoire de Descartes, avant 1637. Paris, Didier, 1867, p. 14g.