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NOTES SUR LE SALON 209 d'images, il y en a de belles et de bonnes, pourquoi suis-je obligé de déclarer qu'il y en a d'absolument mauvaises? On ne comprend guère que certains modèles se fassent peindre, moins encore qu'ils consentent à se laisser reconnaître sur les parois d'une exposition dont nulle loi ne les oblige à affronter les périls. Certes, un artiste qui a peint un sédui- sant modèle, qui en a fait une belle oeuvre, a cent fois raison de demander et il est cent fois heureux d'obtenir la permission d'exposer son tableau, mais que faut-il penser du bon sens, du sens commun, des modèles qui consentent et des artistes qui demandent à exposer certains portraits que l'on regrette de voir au Salon ? Je ne prétends pas qu'il faille avoir une beauté de ma- done ou d'archange pour se laisser exposer; telle figure irrégulière peut servir à faire un beau portrait, celui de Mlle Bilinska, par exemple, dont l'auteur ne me semble pas avoir pensé à concourir pour le prix de beauté. Modestement vêtue de noir, l'artiste s'est peinte elle- même, assise dans son atelier : la palette dans une main cachée dans l'ombre, elle tient de l'autre main, la droite, appuyée sur son genou, une poignée de pinceaux. Cette main et ces pinceaux se détachent sur un tablier de travail de nuance indécise, bise ou grise, au bord duquel courent quelques sobres broderies de couleurs aux teintes effacées. Tout l'ensemble du portrait est dans une gamme sourde et neutre, à peine relevée à la poitrine et fort habilement, par quelques légères touches cramoisies d'un vêtement de dessous, transparaissant sous le noir pauvre de la blouse d'atelier. Mais cette physionomie gracieuse, énergique, intelligente, nullement vulgaire, plaît infiniment. Elle attache et retient, et ramène devant cette belle toile ceux qui demandent à un