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                            BIBLIOGRAPHIE                               151

reproduction de curieux monuments, généralement ignorés, à cause de
leur isolement dans des localités trop peu fréquentées.
   Tel est résumé, en quelques lignes, l'ensemble de cet important-
ouvrage.
   Mais M. l'abbé Condamin s'est souvenu encore que le rôle de l'his-
torien ne consiste pas seulement à faire connaître les faits réels de
l'histoire, mais à détruire aussi les erreurs que la tradition populaire
vient mêler trop souvent aux souvenirs du passé.
   Il en est ainsi d'abord de l'orthographe du nom dejare^, que par rou-
tine nos administrations locales et nos compagnies des chemins de
fer s'obstinent à écrire Jarret, forme adoptée au hasard et que rien ne
justifie, mais que nous espérons bien voir disparaître un jour de nos
cartes géographiques aussi bien que des livres de statistique.
   Telle est aussi la légende absurde, qui fait une anthropophage d'une
châtelaine du XIII« siècle, dite la Dame de Jurez. D'où vient cette légende ?
Dans quel ancien document en trouve-t-onla trace? Malgré toutes nos
recherches, rien, absolument rien n'a pu nous le révéler. Mais à une
époque encore récente, où l'on aimait à donner à l'histoire la couleur
du roman, c'était là un beau sujet à traiter pour le lecteur bénévole.
Ce qui est plus étrange, c'est que les pseudo-historiens de l'époque
romantique n'étaient pas même fixés sur l'identité de cette grande
dame, mangeuse d'enfants, sur l'époque exacte où elle avait vécu, non
plus que sur les châteaux qu'elle habitait. Il fallait, une bonne fois,
faire justice de toutes ces fantaisies, et c'est ce qu'a fait M. Condamin.
Prenant la légende corps à corps et resserrant le débat dans d'étroites
limites, il a démontré clairement que la Dame de Jarez, à laquelle on
donnait des goûts si dépravés, était, au contraire, une femme pieuse et
bienfaisante. Nous l'en félicitons hautement; non pas que ce soit là la
partie la plus importante de son œuvre, mais il y a toujours un double
mérite à rectifier de semblables erreurs. Car non seulement il est bon
 de réparer une injustice, alors même qu'elle s'adresse à la mémoire de
personnages morts depuis de longs siècles, mais rien ne contribue plus
 à fausser, aux yeux des masses, la physionomie d'une époque que ces
épisodes risqués, faits pour saisir l'imagination populaire, et que tôt
 ou tard la critique est obligée de faire disparaître du domaine de
l'histoire.
                                                           A. VACHEZ.