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ET DU VIEUX PONT MORAND 133
Ils en voulaient trois, lorsqu'une seule plus centrale, au-
rait beaucoup mieux fait l'affaire.
Julîien était si furieux qu'il annonça ne jamais vouloir
attacher son nom à cet absurde tracé. Aussi quand la nou-
velle Compagnie se présenta en 1852, pour avoir la con-
cession, la construction de la traversée de Lyon fut réservée
à l'État, qui du reste avait déjà commencé les travaux de la
gare de Vaise (ce fut mon premier service à Lyon en 1851).
Ce n'est que plus tard, quand il fut bien démontré qu'il
n'y avait pas à revenir sur le tracé, que la Compagnie
obtint de Jullien, malgré son serment, de reprendre les
grands travaux de la traversée.de Lyon, que ses jeunes
ingénieurs n'auraient pas vu sans peine exécutés par leurs
camarades au service de l'Etat. (La Compagnie se chargeant
des travaux, je devins ingénieur du contrôle.)
Après cette longue digression sur la presqu'île Perrache,
revenons au pont Morand et aux Brotteaux.
Nous avons laissé le pont en 1775, lorsque Morand
venait d'être décoré de l'ordre de Saint-Michel.
La crue de 1789 n'ébranla ni le pont ni la confiance des
actionnaires. Nous rappelerons que l'un d'eux dans son
enthousiasme et pour se venger des quolibets de 1771, fit
mettre en grandes lettres en tête du pont ces vers d'Horace :
Sifraotus illabutur orbis, inconcussum ferient ruinœ.
La suite des temps a prouvé la vérité de cette confiance ;
jamais les crues du Rhône ne lui ont causé le moindre
dommage ; c'est donc avec raison que nous avons pris pour
épigraphe de son histoire : la fausse prédiction de 1771, et
le chant de triomphe de 1789, que sa vie entière a. justifié.