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                    D'UN VIEUX GROGNARD                      61
en effaçant soigneusement la trace de notre présence, nous
repartîmes avec les mêmes précautions et par les mêmes
sentiers que nous étions venus.
   Devant le rocher du chouan, la vieille répéta son air et
l'homme reparut. Cette fois, j'allai à lui. Il me reconnut
aussitôt.
    — Ah! ah! s'écria-t-il, nos rencontres sont moins fré-
 quentes que ci-devant. Il est tombé, depuis, bien des illu-
sions, encore plus que de feuilles en automne. Il a coulé
beaucoup d'eau dans l'Ardèche, et, sur la terre, beaucoup
de sang. Vous comprenez maintenant le sens de la consul-
tation que je demandais au Grand-Pâtre pendant cette
fameuse nuit d'orage à la ferme du Tanargue.
   — J e me rappelle fort bien, lui dis-je, vos paroles et sa
réponse. Est-ce que, par hasard, oubliant son conseil, vous
auriez pris une part active aux mouvements contre-révolu-
tionnaires du pays ?
   — Pas le moins du monde, répondit-il; je savais trop
que les raisons et les torts étaient réciproques, et d'ailleurs,
que si l'homme propose, Dieu dispose. J'ai donc joué
autant que possible, mais sans succès, un rôle modérateur
et comme cela ne m'a pas empêché d'être compromis et
traqué à la façon des bêtes fauves, j'ai pensé, depuis, que
j'avais eu aussi ma folie spéciale et que l'ellébore du sorcier
me convenait tout comme aux autres. En tout cas, ajouta-
t-il, que dites-vous de mes théories grises sur l'inanité du
bonheur en ce monde? Vous paraissent-elles toujours aussi
pessimistes qu'avant l'avènement de la reine Guillotine ?
   — Je viens d'apprendre, lui répondis-je, la triste fin du
roman dont vous avez vu les débuts à Vais et sur le
Tanargue.