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                       LE NUMÉRO 2 1                       37

    De temps à autre, mes regards s'arrêtent sur le lit aban-
 donné et aussi sur une porte de communication, pratiquée
 entre ma chambre et le numéro 21. Poussé par un senti-
 ment dont je ne suis plus maître, je finis par m'approcher
 de cette porte et je mets l'œil au trou de la serrure.
   La pièce n'est pas habitée. Le lit, parfaitement dressé,
 tout blanc sous ses rideaux de reps grenat, est en ce mo-
 ment éclairé par un rayon blafard de lune, tombant juste au
 chevet. Jamais le vide et la banalité d'une chambre d'hôtel
 ne m'avaient autant frappé.
   Rien là-dedans ne trahit la vie, rien ne parle d'un hôte»
 absent; meubles et objets ont un caractère neutre et imper-
sonnel; c'est comme ces terres que l'astronome nous montre
 dans la planète lunaire, glaciales, stériles, sans habitants.
Combien différente la maison de famille, même abandonnée
pour un temps, où tout semble conserver la chaleur et l'em-
preinte des absents !
   Voilà donc le lieu indifférent et froid qu'un malheureux
a choisi pour mourir! C'est là qu'il s'est couché pour jamais,
seul, honteux, désespéré !
   Peu à peu, je sens mon cœur s'émouvoir d'une pitié
immense pour cet infortuné et une prière vient sur mes
lèvres.
   Après tout, mon Dieu, nous appartient-il de juger celui
de nos frères qui, fléchissant un jour sous le poids de ses
douleurs — de ses fautes même — s'assied sur le bord de
la route où il meurtrit ses pieds aux cailloux et déchire ses
flancs aux ronces, et se dit : « Je n'irai pas plus loin ! »
Qu'il lui jette donc la première pierre, l'être fort qui n'eut
jamais une heure de défaillance et ne sentit jamais la vie
remonter à sa gorge, comme un breuvage amer qu'il ferait
bon vomir à l'aise dans quelque coin !
   Car il est peu de vos enfants, ô Père commun des