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290 LE CHATEAU DE GROLÉE vait les salons aux lits de soie du vieux château, les fenêtres aux riches tentures, la salle d'armes aux casques et aux cui- rasses symétriquement rangés le long des murailles; les lances et les bannières promenées dans les chemins ; les paysans requis, femmes et enfants, portant à Grolée, à L'Huis et sur les bateaux du Rhône, les précieuses dépouilles du manoir. Comme il avait à peine quatre ou cinq ans à cette époque, on peut supposer que ces descriptions et ces détails précis qu'il contait si bien, provenaient autant des récits qui lui avaient été faits dans sa jeunesse que de ce qu'il avait pu contempler lui-même à un âge si peu avancé. En apprenant que l'œuvre si bien commencée ne mar- chait plus et s'était arrêtée au dépouillement du château, enfin que la vigoureuse forteresse était toujours debout sur son rocher, l'ancien propriétaire fut indigné. Cette masse compromettante agitait ses jours et troublait ses nuits. Son zèle de néophyte révolutionnaire ne pouvait plus permettre au château féodal de jeter son ombre sur les toits de ses anciens vassaux ; il lui fallait une destruction entière et complète. M. de Barrai intenta un procès aux quatre asso- ciés pour faire reprendre et activer les travaux. La démolition recommença, mais avec mollesse et len- teur. Les vieilles murailles se défendaient avec énergie et le prix des pierres descellées qu'on arrachait de leur lit à grand' :peine et à grand effort était loin, dans ce pays de montagnes et de rochers, de rémunérer les sueurs qu'on y consacrait. Un événement inattendu vint arrêter tout à fait les travailleurs. On apprit que, malgré l'éclat de ses opinions nouvelles et le zèle qu'il avait montré en détruisant un repaire de la féodalité, le malheureux M. de Barrai était monté sur l'écha- faud. L'orage révolutionnaire était d'ailleurs à son état le plus aigu. Délivrés du souci de procès nouveaux et peu sou-