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236              UNE COURSE DE TAUREAUX
 Aristote, car il est impossible de plus étroitement unir la
 terreur à la pitié.
    Au lever de la toile — et par toile il faut entendre une
 porte énorme derrière laquelle mugissent et s'agitent les
 taureaux furieux—, l'animal se précipite, l'œil hagard dans
 l'arène, indécis sur qui il va porter ses premiers coups.
    Car ils sont bien là huit ou dix qui l'attendent, picadores
 ou banderilleros. Les premiers, bardés de fer comme les che-
 valiers du moyen-âge et drapés en outre dans un solide vê-
tement de peau, provoquent, la pique au poing, le pied en-
 serré dans un étrier massif, le redoutable adversaire. Quel-
 quefois celui-ci part droit à eux d'un bond ; quelquefois il
 court d'un banderillo à T autre, dépensant en pure perte sa
vigueur contre les lambeaux d'étoffe écarlate qu'ils ont mis-
sion d'agiter devant sesyeux.Mais une fois en face àupicador,
la lutte revêt un caractère terrible. Si le picador a la main heu-
reuse, il a vite fait de darder sa javeline dans les flancs du
taureau qui lâche aussitôt la partie et vole à des combats
plus faciles. Mais s'il manque l'animal ou qu'il ne fasse que
l'effleurer, ce dernier plonge ses cornes avec rage dans le
poitrail ou dans les cuisses de la monture. Renversé par la
secousse, le piqueur roule alors sur le sable ; et tandis que les
banderilleros détournent le taureau de sa victime en l'attirant
ailleurs, le pauvre cheval se précipite de son côté, affolé de
douleur, mutilé, quelquefois en lambeaux, vers un coin de
l'arène. S'il n'est pas ou ne semble point assez abîmé pour
mourir, on le ramène à une lutte nouvelle, traduisez, à un
nouveau martyre ; mais, s'il est manifestement incapable
d'aucun service, on le laisse expirer là, sous les yeux de la
foule, dans des convulsions plus ou moins longues, mais sin-
gulièrement atroces. En toute occurrence, le sang coule ; et
cette vue du sang provoque des cris enthousiastes, une
sorte de délire...