page suivante »
tE THÉÂTRE A LYON 263 des femmes d'esprit. On écrivait au rédacteur de ce jour- nal : « Vous avez tellement rendu à la mode le Genre èni- gmatique, qu'on s'en sert à tout. Si un galant veut faire une déclaration à une belle, il ne saurait s'empêcher d'employer ce style dans son madrigal ; et s'il la veut consoler de quelque perte, la violence de sa passion ne l'engage pas plus fortement à lui dire quelques mots de sa peine en la consolant, que la mode ne le pousse à lui en parler en énigme (1). » Un autre correspondant, non moins enthousiaste, ex- primait en ces termes son sentiment : « Vous ne sauriez croire combien la lecture de ce livre a dérouillé et dérouille tous les jours d'esprits dans les provinces. On se raffiné insensiblement le goût en exa- minant les beautés des pièces choisies que l'on y trouve; et les esprits se subtilisent par les divers tours qu'ils sont obligés de se donner pour trouver le mot de l'énigme (2). On voit, d'après ces extraits, que les épigrammes de Molière n'avaient pas seulement un intérêt rétrospectif et qu'ils s'attaquaient à des ridicules encore vivants. D'ailleurs, pour revenir à l'avocat Barbier, il est juste de dire qu'en homme d'esprit qu'il était, il ne s'enfermait pas dans le genre maniéré et qu'il écrivait en auteur fantaisiste, en amateur, plutôt qu'en homme du métier, n'écoutant que sa verve. Nous en trouvons la preuve dans sa comédie de Y Opéra interrompu, qui fut jouée en juil- let 1707, par les comédiens italiens privilégiés du duc de Villeroy. L'Académie Royale de musique représenta aussi, dans la salle du Gouvernement,le 8 février 1708,1a Fausse (1) L'Extraordinaire du Mercure Galant, imprimé à Lyon, chez Thomas Amaulry, rue Mercière, T. I, lettre X. —(2) Id. T, I, lettre XXX.