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378 RENÉ DE LUCINGE lard, plein de feu et de dignité ; son fils aîné Charles avait joué un grand rôle dans les événements politiques et avait obtenu, sur le champ de bataille, la croix de l'An- nonciade, comme René ; Bernard, le plus jeune des trois frères, se destinait à l'Eglise. Le marquis parla avec une douleur profonde des événements que nous venons de raconter ; son irritation était extrême : — Extravagant jeune homme, répétait-il, oser aimer la femme de son maître, s'être battu avec un chef de famille et l'avoir enlevé à ses enfants ! Sa destinée est à jamais perdue ; qu'il aille s'enrôler dans une armée étran- gère, je ne lui pardonnerai jamais. Les deux beaux-frères se séparèrent mécontents l'un de l'autre. Le retour de la comtesse de Groslée et de sa fille, l'aimable Blanche, apporta un doux soulage- ment aux chagrins du noble et généreux Aymon. II L'ILE DE MALTE. La rapidité avec laquelle René de Lucinge accomplit son voyage fit quelque peu diversion à sa douleur ; sa tra- versée fut heureuse. En arrivant à Malte, il trouva d'anciens amis dans la langue de Provence et fut pré- senté par eux à l'illustre grand-maître Philippe Villiers de l'Isle-Adam, qui venait de recevoir dans des épreuves cruelles la double consécration du malheur et du courage. Après avoir vaillamment défendu Rhodes, il avait conservé l'attitude la plus digne en présence de toutes les cours de l'Europe, en abritant ses galères dans plusieurs rades de Provence. Devenu maître de Malte par la générosité de Charles- Quint, il fit de ce rocher aride une forteresse redoutable,