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LA GUERRE DE MOREE 425
d'aussi grandes, mais ils n'ont eu personne pour les dire Ã
la postérité. »
Il y a du vrai dans ces tristes paroles. En lisant Ho-
mère « on croirait que les hommes ont douze pieds » mais
en faisant la part de la poésie et de la fable, de l'exagéra-
tion et des embellissements du narrateur, nous protestons
contre cette idée que les Grecs antiques n'ont fait que des
choses médiocres. Leurs luttes contre l'empire colossal des
. Perses sont un des faits les plus prodigieux dont puisse
s'enorgueillir l'humanité.
En France, au lieu de chanter nos héros, nous ne
savons qu'insulter nos chefs, railler nos hommes d'Etat,
verser le blâme et le dédain sur nos g-énéraux, bafouer
nos institutions, nos lois et nos mœurs. L'amour de la
gloire est du chauvinisme et personne ne nous méprise
autant que nous.
Et puis, enfin, avouons-le, nous n'avons pas eu
d'Homère.
Pendant qu'Ibrahim soumettait la Morée, la flotte grec-
que exécutait une action d'audace telle qu'il en existe peu
dans l'histoire. Chaque jour, le vice-roi expédiait à son fils
des troupes et des munitions avec une abondance qui ne
comptait pas. L'amiral grec, Emmanuel Tombazis, voulut
tarir la source de ces secours à son point de départ. Avec
vingt trois voiles, dont une frégate, La Eellas, il parut de-
vant Alexandrie. Canaris, Vokos et Voutis montaient les
brûlots. Au milieu de la nuit, Le Tigrane qui gardait le
Port-vieux fut embrasé, mais le vice-roi était au mi-
lieu des siens et sa vigilance ne dormait pas. Au premier
danger, il accourut, se jeta dans son yacht et donnant des
ordres avec autant d'audace que de promptitude, il fit tirer
les canons du fort Cafarelli et du fort du Marabout, jeta un
bataillon sur la Pointe des figuiers et faisant avancer qua-