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	372                        TH1ERIUAT
    Thierriat était d'une adresse extrême à tous les jeux.
 Dans une excursion artistique, il tombe au milieu d'une
fête champêtre où des marchands forains faisaient tirer
pour un sou des couteaux symétriquement piqués dans
une planche. Armé de quatre ou cinq boucles, le joueur
 doit enfiler un ou plusieurs couteaux pour les gagner.
 Thierriat lance une boucle et couronne le premier couteau,
il continue et couronne le second, puis le troisième, puis
le quatrième et poursuit ainsi jusqu'au douzième et der-
nier couteau, sans en manquer un seul. Les paysans étaient
émerveillés de voir ce bourgeois, cet artiste, accomplir un
tel tour d'adresse ; mais le marchand n'était pas content, et
 ses confrères refusèrent de laisser recommencer l'épreuve.
Thierriat emporta donc ses douze couteaux catalans, dont
j'ai conservé un échantillon qui me fait penser quelque-
fois à l'adresse du noble Ulysse traversant d'une flèche
les douze anneaux des haches alignées devant lui.
   En 1830, le service de la garde nationale lui valut une
douleur dans la cuisse, après une nuit passée sur un banc
de pierre au corps de garde. Son docteur lui prescrivit le
régime des eaux d'Aix où il se rendit pendant deux ans
et dont il revint parfaitement guéri. Mais il employa un
tout autre remède que les eaux. Il prit bien quelques bains
pour obéir au docteur, mais cette façon d'aller, porté sur
une civière, enveloppé de couvertures comme un mort, ne
lui plût pas. Il préféra s'armer d'une filoche à papillons pour
courir sur les montagnes après le fugitif insecte, et avec tant
d'ardeur qu'une sueur abondante ne tardait pas à le cou-
vrir de la tête aux pieds. Son sac déposé contre un buisson
contenait une chemise bien sèche ; il étalait l'autre sur le
sol et changeait de linge à la face du ciel et du soleil. Ce
salutaire exercice répété plusieurs fois dans la même ma-
tinée produisit d'excellents résultats. Thierriat laissa ses
					
		