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394                        NÉCROLOGIE.

à Lyon, il sut se maintenir au premier rang et obtint bientôt le
second grand prix de Rome. Il aurait, certes bien, concouru de
grand coeur, l'année suivante, pour réparer ce qu'il regardait
comme un échec et obtenir le premier prix, dont ses maîtres et
ses juges eux-mêmes l'estimaient digne, s'il ne lui eût pas fallu
travailler pour vivre.
   Orphelin et forcé de se suffire seul, il consacrait le jour aux
études sérieuses, sous l'œil des grands maîtres, et la nuit à des
travaux manuels, à payer les menus frais de sa vie ordinaire.
Aussi, pendant deux ans qu'il partagea la chambre et le lit de son
condisciple et ami Lehmann, notre graveur si regretté, ne le vit-
il presque pas, parce que, pour obéir à ces mêmes nécessités
d'une vie besogneuse, l'un se couchait, alors que l'autre était sur
le point de se lever, et encore s'empruntaient-ils mutuellement,
pour le3 grandes visites, leur unique habit d'apparat, dont ils se
faisaient une joyeuse loi de disposer alternativement dans les
grandes occasions. Mais tous les deux, dans cette lutte cruelle,
contre les privations et les labeurs sans sommeil, continuée au-
delà des forces humaines, contribuèrent, en tarissant en eux les
sources de la vie, à abréger encore leur trop court avenir.
   Aussi, après deux maladies d'une gravité extrême, avons-nous
vu notre courageux ami, dès les premiers symptômes de sa der-
nière affection, sous le coup de pressentiments funestes, supplier
parfois, dans un silence éloquent, la puissance divine de lui ac-
corder quelques jours encore pour lui permettre, au moins, d'é-
baucher les grands travaux dont l'idée germait, depuis de longues
années, sous son front monumental.
   Qu'était-ce en effet pour lui, d'avoir obtenu, après un brillant
concours, l'honneur de sculpter l'épée que la ville offrit à Cas-
tellane, d'avoir achevé nombre de médaillons, parmi lesquels
se distingue, à sa tête, respirant une vie originale, celui de
Mmo veuve Picard, qui, avec une sollicitude toute maternelle,
n'avait cessé de veiller sur sa première jeunesse ; d'avoir recréé,
pour ainsi dire, les cariatides du pavillon gauche de notre Hôtel-
de-Ville ; d'avoir sculpté deux des muses qui surmontent le fron-
ton du Grand-Théâtre, ainsi que la plupart des statues qui ani-