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                         DE LA VÉRITÉ.                        377

   Nous perfectionnons chaque jour nos moyens scientifiques
d'arriver au vrai ; mais les moyens contraires se perfection-
nent aussi. Une fraude plus raffinée envahit nos méthodes per-
fectionnées et obscurcit d'autant ce que nous cherchons, si bien
qu'il y a équilibre et que les proportions d'erreur et de men-
songe se contre-pèsent. — Au fond, l'argumentation qui se
raffine nous embrouille, et l'argutie ne s'étend pas moins que la
logique. Les grandes lumières naissent surtout de l'honnêteté
du cœur.
   Quoi qu'on en dise, le véritable caractère d'une philosophie,
c'est sa morale, et toutes les doctrines se jugent par leurs consé-
quences. Tl y a fort longtemps qu'on répète que le bon arbre est
celui duquel on obtient de bons fruits ; mais il y a fort long-
temps aussi que deux et deux font quatre ; et le soleil et le
monde et les astres sont aussi fort vieux. — Ce qui est nouveau
n'est pas nécessairement le vrai.
   Les vérités morales sont éternelles, et elles sont invariables
parce qu'elles sont éternelles. — Elles peuvent se développer,
elles ne peuvent, elles ne doivent jamais se contredire.

                                V

   Que d'hommes éminents en tout genre, que d'hommes d'état
particulièrement, qui, ne sachant pas le premier mot de la phi-
losophie d'école ou d'académie, battraient à plate couture tous
les philosophes du globe sur tout ce qu'il importe aux hommes
de savoir pour être heureux ou moins malheureux !
   La vérité ne procède pas toujours timidement et comme à
tâtons ; elle a aussi ses audaces et ses grands hommes et il n'a
pas fallu moins de témérité mentale à ilescartes pour créer sa
méthode philosophique, que de témérité militaire à Bonaparte
pour innover dans la tactique. Mais la témérité des grands
hommes n'intervient-elle pas pour renverser la sagesse des
petits?
   Et pourtant, par l'infirmité de tout ce qui est humain, le sys-
tème de Descartes sera toujours bâtard ; car comment se dé-