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JEAN-PIERRE BRUYÈRE. 291 de sentiments, la même conformité de goût. Surchargé d'ouvrage, de loin en loin il prenait des aides, puis bien- tôt dégoûté et découragé, il les renvoyait avec tristesse et se résignait à tout faire par lui-même, sûr du moins qu'au prix de sa peine et de sa sueur, le livre sorti de son atelier serait digne de porter son nom. En 1835, il se maria, et comme tout n'est pas peine et douleur dans la vie, il eut la bonne phance de trouver une compagne intelligente, adroite et vaillante qui le comprit, le soutint et le seconda. Dès lors, la maison Bruyère eut une réputation qui ne fit que grandir. A mesure que la fa- mille augmentait, l'aisance arrivait et le digne couple vit affluer les commandes d'art et de luxe que lui seul pouvait exécuter à Lyon. Quand la journée était finie, que l'heure du repos avait sonné, Bruyère, au lieu d'aller s'enfumer dans une ta- bagie, lisait, étudiait entouré de sa femme et de ses en- fants. Il consultait les ouvrages qui avaient traité de son art; il comparait la reliure monastique des premiers âges à la reliure fleurie et sensuelle de la Renaissance ; les œu- vres niellées, chargées d'ornements et de pierreries aux gauffrages prétentieux,et lourds de l'Empire et de la Res- tauration ; puis, entraîné sur cette pente rapide, il se li- vrait à l'étude enivrante de l'archéologie, de l'orfèvrerie, de la numismatique, et de cette passion est résulté une col- lection modeste mais précieuse d'armes, et de bijoux, ornement de son atelier, et surtout uu médailler, son amour et sa joie, moins remarquable par le nombre que par le choix et la rareté des pièces ; c'était là son trésor digne d'être présenté et qu'il présentait aux connaisseurs même les plus difficiles. S'inspirant des maîtres italiens qui eux-mêmes s'étaient inspiiés des maîtres arabes, alors que la Péninsule asia- tique était le foyer des lumières et que l'empire des Ca- lifes était le refuge de la science et des arts, Bruyère fit pour son propre compte, prodigue comme un grand