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218 VITE LA FRANCE ! Julien avait son œil noir plein d'éclairs , quelque chose d'enthousiaste qu'on ne lui avait jamais vu jusque là . Il avait reçu l'ordre de partir pour le régiment de mobiles auquel il appartenait; deux jours encore, et il allait s'é- loigner. • Les jeunes gens du pays se réunirent sur l'esplanade du village pour chanter la Marseillaise. Julien fut désigné pour entonner, de sa belle voix mâle, l'hymne retentissant de Rouget de l'Isle. Il arracha des larmes aux auditeurs, tant il sut mettre de chaleur émue, d'entrain patriotique dans cet élan sublime qui a traversé le siècle. Mais qui donc n'a jamais pleuré à cette vibrante harmonie? Qui donc pourrait rester froid à ces accents pleins de virile douleur et de consolant espoir?... Ah ! cet espoir, pour- quoi devait-il être déçu ?... Après avoir chanté ainsi, tous les jeunes gens qui se trouvaient là se tendirent la main en criant : — Vive la France ! Elle peut compter sur nous ! Pauvre Julien ! Il eût été heureux d'aller combattre, mais son cœur avait à se faire des violences terribles de- vant les larmes de sa mère et de sa fiancée. On pleurait jour et nuit dans la chaumière de Marthe ; les yeux bleus de Marguerite avaient presque perdu leur ravissant éclat, mais non leur adorable douceur. Qui dira les angoisses de la pauvre Jeanne? Son fils unique et bien-aimé allait partir et elle ne le reverrait peut-être pas ! Que de pauvres mères en étaient là , plongées dans un océan d'amertume que l'on ne pourrait sonder entière- ment. Hélas ! à cette triste époque, j'en vis pleurer, de ces pauvres mères, — une surtout, — et mon cœur se serra. Quand Julien était auprès de Marguerite et de Marthe, comme devant Jeanne, il appelait à lui tout son courage ; ne fallait-il pas leur en donner? — Allons! disait-il, je vous connais bien ; vous ne vou- driez pas, malgré votre douleur, me voir lâche et abattu ! Ne pleurez donc pas! Je reviendrai...