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LES CHASSEURS DE RENNES. 47 gne, une autre bande s'était dirigée vers les plaines des bords de la Saône, où pâturaient d'immenses troupeaux de bœufs et de chevaux sauvages. Les chasseurs étaient parvenus à envelopper cinq ou six cents chevaux et à les rabattre en poussant de grands cris et en agitant en l'air des peaux de loup. J'ai dit précédemment que le campement était dominé au nord par un haut rocher , qui se terminant brusque- ment à l'ouest par une pointe étroite et aiguë, escarpée à pic sur trois côtés, s'inclinait en pente douce et en croupe arrondie vers l'orient. Les chasseurs ayant réussi à engager les chevaux sur cette pente, les poussaient, en gardant toutes les issues, vers l'escarpement supérieur, qui dominait la vallée de plus de trois cents pieds. On voyait d'en bas ces cinq ou six cent bêtes affolées gravir dans un nuage de poussière la croupe dénudée de la montagne, avec un bruit sem- blable à un tonnerre lointain. La vague vivante montait, montait toujours et nous respirions à peine, dans l'attente de la scène horrible de destruction qui devenait imminente. Les premiers chevaux qui arrivèrent au bord de l'es- carpement, se cramponnèrent sur leurs jarrets en flairant le vide. Leurs hennissements désespérés parvenaient jusqu'à nous, et un mouvement de reflux se produisit dans le reste de la colonne. Cependant le flot s'épaississait vers la pointe de la roche, et toute résistance devenait impuissante contre la masse et le nombre. Tout à coup, des nuages de fumée et de flammes éclatèrent comme un long cordon de feu, fermant toute retraite aux malheu- reuses bêtes. Je n'ai jamais rien vu de plus beau que ce rocher empourpré des feux du soleil couchant se déta- chant dans le ciel par-dessus toutes les collines voisines,