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                      LES CHASSEURS DE BENNES.                       297

quelque hallucination? eela est possible. Il est bien certain qu'un
ébranlement anormal s'est produit dans mon cerveau. Mais enfin, il y
a dans tout cela quelque chose de réel, puisque la science confirme,
paraît-il, en plus d'un point, mes visions. J'ose donc espérer que
vous ne me traiterez pas tout à fait de fou, comme l'ont fait mes
meilleurs amis, et que vous voudrez bien accorder quelque attention
à mon récit. Il n'est pas scientifique; vous savez que je n'ai reçu
qu'une bien faible teinture d'érudition ; mais il a, du moins, le mérite
d'être sincère. Ne soyez point gêné d'ailleurs pour en faire le cas qu'il
mérite et le jeter au feu si vous n'y voyez qu'une divagation mala-
dive. Et, quoi qu'il advienne, veuillez m'excuser d'avoir absorbé une
partie du temps précieux que vous consacrez au progrès des sciences
humaines.
  J'ai l'honneur d'être, monsieur et illustre ami, votre humble et
dévoué serviteur.
                                                   ALEXANDRE T.
   La réponse se fit attendre longtemps, très-longlemps.
Enfin, au bout de six mois, mon ami reçut un beau ma-
tin une lettre portant le timbre de la confédération de
l'Allemagne du Nord, qu'il ouvrit en tremblant d'émotion.
      La voici :
                                                Berlin, 20 mai 1870.
       Cher Monsieur,
   Merci de votre aimable souvenir et mille excuses de n'y avoir pas
répondu plus tôt, étant fort occupé de la publication de mon livre,
l'Homme fossile, qui va paraître enfin dans quelques jours. J'aurai,
je pense, grand besoin d'aller de nouveau me reposer à Nice, l'hiver
prochain, et j'espère avoir le plaisir de vous y retrouver.
         Tout à vous,
                                                LEHMWASSER.

   P. S. J'ai à peine eu le temps de parcourir votre manuscrit. Ce que
j'en ai lu m'a beaucoup diverti. Continuez à vous occuper de littéra-
ture, vous avez chance d'y réussir quelque jour.
  Ce post-scriptum fut plus cruel cent fois, pour le mal-
heureux T., qu'un coup d'épée en pleine poitrine. Il me
cacha son dépit ; mais je n'eus pas de peine à le de-
viner.