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2-18 UN MARIAGE SOUS LES TROPIQUES.
la douceur du timbre de sa voix, quelque chose d'élégant
et de noble dans toute sa personne me le rirent regarder.
Je me serais pourtant contentée de l'atteler à mon char, ni
plus ni moins que tant d'autres qui l'ont déjà tiré, lorsque
je me vis tout d'un coup harcelée pour une dette que je ne
savais vraiment comme payer. Pourquoi devais-je et com-
ment toute cette monnaie avait-elle disparu? C'est ce
qu'il me serait bien difficile de te dire ; mais enfin je de-
vais et il fallait sortir de là le moins mal possible. Il ar-
riva précisément que Rodolphe s'engoua de mes yeux,
de ma petite main, de toutes sortes de choses qui rame-
nèrent à me demander en mariage. Je le saluai comme
un sauveur, car dès que sa poursuite fut agréée, je ré-
clamai carrément au général les piastres qu'il ne pouvait
laisser en souffrance, et voilà , chère Anita, comment je
me suis mariée! Je te jure que mon repentir est im-
mense et que j'aurais bien mieux fait de soutirer au vieux
ce qu'il n'aurait pas osé me refuser ! d'autant que je ne
suis guère plus avancée. Figure-toi que lorsque je dis Ã
Rodolphe :
« — Donnez-moi cent piastres; j'en ai besoin:
« Il a l'impertinence de me demander ce que j en veux
faire ! Est-ce que je le sais, moi ! Je me réveille avec
l'envie de dépenser vingt, quarante, cent piastres à n'im-
porte quoi ; de quel droit Rodolphe veut-il m'en empê-
cher?
« — Nous autres Américaines nous sommes habituées Ã
tenir les clés de la caisse, lui répondis-je l'autre jour, et
ce devrait être à vous à recevoir l'argent de vos menus
plaisirs, au lieu de m'importuner par vos ridicules ques-
tions d'inquisiteur !
« Ma foi, là dessus nous nous sommes disputés vertement
et je l'ai joliment envoyé promener quand il a prétendu