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8fi UN MARIAGE SOUS LES TROPIQUES. à chacun la solennité du soir, chacun aussi recevait un billet ainsi conçu : « M. *** est prié de se rendre chez D. Gaetano une heure avant le bal, pour une délibération importante.. » Toute la ville fut en rumeur. Que se ' passait-il donc à Chirimayo, cité essentiellement paisible, qui ne secouait son linceul qu'à de longs et rares intervalles ? On courut chez D. Gaetano. Il était à la campagne et ne devait reve- nir que le soir. La curiosité s'en augmenta. Les mères ti- mides crurent qu'il s'agissait d'un soulèvement contre l'autorité royale et supplièrent leurs fils de ne point s'y rendre , d'autres, nourrissant une secrète haine, les ar- mèrent de poignards; plus d'une jeune fille se troubla dans l'emploi des cosmétiques à l'aide desquels les beau- tés de Chirimayo ont coutume de relever l'éclat de leur teint; les fiancées se pendirent au bras de leur promis pour les faire renoncer à cette périlleuse entreprise; tout fut inutile. La curiosité fut plus forte que la peur, et vers six heures, on put voir des ombres silencieuses se glisser une à une le long du mur de la maison de D. Gaetano et disparaître sans bruit sous le porche. Un mulâtre les in- troduisait sans mot dire dans une vaste salle éclairée par une seule chandelle fumeuse : D. Gaetano était toujours absent. A la fin pourtant, quand le nombre des conviés fut complet, le maître de la maison apparut. Il était précédé de deux valets pourtant chacun deux candélabres ; en un instant la lumière ruissela dans la pièce et d'autres do- mestiques couvrirent les guéridons de vins précieux et de pyramides de gâteaux. La terreur fit place à la joie. Les chapeaux rabattus sur les yeux se levèrent; les manteaux rejetés sur l'épaule tombèrent sur les sièges et les poi-