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UN MAR1A.GK SOUS LES TROPIQUES. 81
l'émanation de l'abnégation maternelle transfigurait e^s
traits où ne savaient lire ni l'époux ni le fils !
Le jour du mariage arriva.
Ceti,e cérémonie n'a point en Amérique le caractère Ã
la fois touchant et auguste qu'elle revêt en Europe. Là ,
point de ces apprêts qui agissent fortement sur l'imagi-
nation impressive des jeunes époux, point de pompe sous
la voûte du temple resplendissant de mille cierges, point
de cette foule d'amis et de parents confondant dans une
même prière leurs vœux pour un bonheur toujours incer-
tain. En Amérique, le mariage a lieu dans la première
chambre venue : deux témoins, un parrain et une mar-
raine sont les seuls dont la présence soit nécessaire à la
validité de la consécration. Les futurs conjoints s'avancent
debout au milieu de la salle : un prêtre, n'ayant souvent
d'autre signe de son caractère qu'une étole passée sur un
vêtement bourgeois, lit à demi-voix une oraison, s'assure
du consentement mutuel, bénit le couple et lui jette quel-
ques gouttes d'eau lustrale; les mariés regagnent leur
siège, le curé s'asseoit au milieu des assistants et la céré-
monie est terminée.
Qui pourrait dire ce qui se passe dans le cœur d'une
jeune fille alors que, le front ceint de la couronne symbo-
lique, cachant dans les plis du voile nuptial l'émotion qui
colore ou pâlit son visage, elle s'agenouille à .côté de
l'homme qui va recevoir son serment! Tout est inconnu
pour elle dans ce passage de l'autorité paternelle à la
possession maritale, de la dépendance de la jeune fille à la
liberté de l'épousée, de l'ignorance de la vierge aux joies
et aux sollicitudes de la maternité ! Elle est libre e'ncore,
:
elle n'appartient qu'à Dieu et à son cœur. E t quelques
instants, une minute, une seconde séparent cette indé-
. pendance d'une chaîne éternelle, qu'un mot, à peine arti-
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