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70             t)N MAKIAGE SOUS LES TROPIQUES.

naissez pas encore Rodolphe ! Comprenez donc, Léonard,
que nous n'avons aucune bonne raison de nous opposer
à ce mariage du moment que cet enfant ne ressent point
les répulsions intimes qui font battre une poitrine ! Il n'a
point été élevé brutalement, accoutumé à une obéissance
servile. Vous avez voulu en faire un compagnon, un ami,
et vous l'avez habitué vis-à-vis de vous, vis-à-vis de moi,
à une indépendance de pensée que vous ne sauriez rom-
pre aujourd'hui. Son projet repose, à mon gré, sur une
base fausse, et c'est ce qui me faitprévoir la douleur pour
résultat. Mais si sa conviction est autre, s'il croit son bon-
heur attaché à cette union, que lui direz-vous ? Que vous
ne le voulez pas, uniquement parce que vous ne le voulez
pas ? Il ne vous croira pas et vous demandera les motifs
de votre refus, car ce sera la première fois que vous aurez
tenu ce langage. Parlerez-vous de la laideur, du manque
d'éducation, de la fortune incertaine, des manières tri-
viales de la jeune personne? Il vous répondra comme il
l'a déjà fait, que sa figure ne lui déplaît point et que,
d'ailleurs, on s'y habitue ; qu'il ne tient nullement à la for-
tune et que la nôtre suffit à son ambition; et qu'enfin
l'ardent désir d'Hemiinia de s'instruire, de se modeler sur
les mœurs de l'Europe lui est un sûr garant qu'elle aura
bientôt brisé sa chrysalide de sauvage pour rayonner de
tout l'éclat d'une civilisée.
   — Mais que faire alors ?
   — J'ai été plus loin, continua Wilhelmine, dont l'émo-
tion allait croissant. Vois-tu, Léonard, je t'aime profondé-
ment; mon âme s'est fondue dans la lienne et je sens que
pour toi nul sacrifice n'aurait d'amertume ! Mais ne te
fâche pas si j e te dis qu'avec l'amour que je te porte ma
poitrine enserre une autre tendresse qui n'est ni moins
impérieuse ni moins absolue. Rodolphe est le gage de