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UN MARIAGE SOUS T.ES TROPIQUES. fiî> Ta mère t'adore, mais elle souffre par tous les pores, par tous les endroits sensitifs de son âme d'usages qui la frois- sent à chaque instant du jour. Jamais elle ne s'accoutu- mera à une manière de vivre si antipathique à son éduca- tion, à sa raison, à ses habitudes. Tu as vu la foudre sil- lonner son visage à l'audition de ta confidence : elle pourra se consoler de ton mariage si elle te voit heureux : je doute que jamais elle puisse en être heureuse pour elle-même. Que tu renonces à ce projet ou que tu y per- sistes, je te demande d'y mieux réfléchir. Reste huit jours sans aller chez le général : tâche de t'occuper, chasse, monte à cheval, agis pour agir, et dans huit jours viens me rendre compte de l'état de ton âme. Nous verrons alors ce qu'il y aura à faire. Adieu, mon pauvre Rodolphe, ajouta-t-il en l'attirant vers lui, j ' a i peur, car je te vois sur une pente où l'imagination enfante des fantômes ! Que Dieu t'éclaire, mon fils, et prenne pitié de nous tous ! La comtesse eut de la peine à se remettre de la se- cousse qu'elle venait de recevoir. Sa tendresse ardente, une divination qui ne jaillit que du cœur d'une mère lui avaient fait pressentir ce résultat, et sa curiosité, pleine d'angoisses, avait pénétré le mystère avant que Rodolphe ne le révélât à son père. Mais elle cherchait à douter, elle écartait cette pensée, comme un cauchemar, jusqu'au mo- ment où elle ne put plus se soustraire à l'évidence. Wilhel- • mine était d'une nature élevée et délicate. Ses senti- ments aristocratiques, si développés dans la noblesse alle- mande, ne se bornaient pas à rechercher l'illustration de la naissance. Elle était bien plus choquée des manières triviales, des mœurs licencieuses, de l'absence de prin- cipes qu'elle ne l'eût été d'une différence de blason. Son âme se révoltait à l'idée de nommer, «sa fille» une enfant sauvag'e dont elle ignorait les instincts et qui pouvait 5