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436           LE PAGE DU BARON DES ADRETS.

qu'on aurait essayé de bâtir sur ie sol qu'il se réservait.
    Puis enfin, les pillards et les malandrins qui, venant
du nord ou du midi, bravant la misère et les maladies,
 hantaient ces lieux abandonnés, sûrs que la justice et
 les archers ne viendraient pas les chercher au milieu de
 ces méandres fangeux, situés juste entre la justice du
 royaume et celle de l'Empire, c'est-à-dire mal gardés par
 les deux autorités.
    Cependant, deux ou trois monticules, gonflements
de terrain factices ou naturels, avaient reçu des fermes
 à moitié agricoles, à moitié fortifiées comme des ma-
noirs du moyen-âge. La Part-Dieu, la Corne-de-Cerf, la
Téte-d'Or, dont les toits s'élevaient au-dessus d'un
 vaste océan de vorzines et de saulées, ressemblaient à
de lourds vaisseaux échoués au milieu des vagues. On
y parvenait par des sentiers creux, tortueux, souvent
inondés, souvent coupés, mais toujours à l'abri du so-
lei!. La ferme était gardée par des moiosses. Le maître
et les domestiques étaient armés. La nui!, on fermait soi-
gneusement les portes, et c'est en vain qu'on y aurait
demandé l'hospitalité. Un sentiment de répulsion et de
crainte saisissait quiconque s'approchait de ces demeu-
res ; tout y était méfiance et mystère ; cependant lors-
qu'on y pénétrait on ne trouvait rien d'insolite ; soit
innocence réelle, soit habileté, on pouvait fouiller à toute
heure, écuries, granges, fenils ; on ne trouvait que le
bétail accoutumé, de gros chiens méfiants, des servan-
tes hardies, de grands valets railleurs et un chef plus ou
moins bourru, plus ou moins courtois, mais toujours en
 règle avec le pouvoir.
  Ce fut vers la première de ces fermes que l'apprenti