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296             M. GRÉGOIRE ET SES ÉCRITS.

qu'il voulût connaître. Son dédain singulier pour les titres
de pure convention, son indépendance quelque peu fa-
rouche vis-à-vis de tout assujettissement, et encore, quoi-
qu'il n'en voulût point convenir, son humilité chrétienne,
l'avaient écarté des plus innocentes jouissances d'amour-
propre.
    M. Grégoire n'était membre d'aucune société lit-
téraire, d'aucune académie; il n'avait jamais recherché
un seul grade universitaire ; ce n'était pas même un bache-
lier ès-lettres, que cet helléniste consommé qui mettait
les auteurs grecs au premier rang de ses prédilections,
 qui cultivait et aimait les latins, cela va sans dire, qui,
en outre, possédait l'hébreu et se plaisait à lire la Bible
 dans les textes primitifs. Au reste, sous cette puissante
 érudition, il n'était ni pédant, ni pédagogue ; l'antiquité
 le charmait sans l'immobiliser ; Homère et Virgile n'a-
 vaient exclu pour lui ni Shakespeare ni Goethe, ni même
 de plus audacieux et de plus contemporains. Homme d'ima-
 gination et de goût, il suivait la littérature moderne, non-
seulement en France, mais aussi en Allemagne, en An-
gleterre, en Italie et en Espagne. Il savait à merveille les
 langues de ces quatre nations littéraires de l'Europe ; il
les savait, il est vrai, à sa manière à lui, comme il savait
le latin et le grec, à l'état de langues mortes dont il ne
 comptait point faire emploi pour parler en voyage, dont
 il ne voulait user que pour lire dans sa chambre aux heu-
 res de solitude.
   Si M. Grégoire s'en était tenu toute sa vie à ce rôle de
liseur curieux et délicat, vivant sur l'admiration des œu-
vres d'autrui, son souvenir n'intéresserait que ses amis.
Et cependant, même à propos de ce rôle, il y aurait bien
à faire une réserve ; gardons-nous de mépriser ces esprits
cultivés et modestes qui lisent beaucoup, et avec unintel-