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332 LE PAGE DU BARON DES ADRETS. Alors Polidino, faisant trois fois le tour du tombeau de gauche à droite, ôte sa chaussure du pied droit et, après avoir frotté les bords de la tombe avec une graisse noire, se mit avec habileté à pétrir deux statues en cire molle, l'une représentant le duc de Guise, l'ennemi du baron, l'autre le baron lui-même. Les deux statues mises debout au pied du tombeau, l'Italien prit une petite tête de mort parfaitement imitée, en ivoire, qui contenait des épingles rouges, et, présentant une des épingles au baron, il lui dit d'une voix ferme et solennelle : — Baron des Adrets, général des* huguenots, défen- seur de la foi, veux-tu la mort de ton ennemi, le duc de Guise, chef des papistes ? — Je le veux, dit le baron. — Veux-tu le triomphe de notre sainte Eglise, sur le fanatisme et la superstition ? — Je le veux. — Veux-tu l'opulence et le pouvoir pendant ta vie, un nom immortel après ta mort? — Je le veux. — Enfonce ces épingles dans le cœur de ton ennemi, que voici. — Donne. Le baron prit l'épingle, mais malgré son audace, au moment de la plonger dans le cœur de la statue, sa main trembla. La lâcheté de ce crime, l'assassinat sans danger du héros qui gouvernait la France, révoltait les ins- tincts guerriers du chef huguenot. Il eût cherché sur un champ de bataille le prince catholique, il l'eût attaqué l'épée à la main et eût exposé sa propre vie pour sa ven- geance, comme pour l'intérêt de son parti; mais là , dans