page suivante »
LES DU VERNEY. 295 qu'un même goût pour l'étude lui rendait plus chers. Resté dans sa province il eût peut-être vieilli dans l'humble position qu'occupait son père, faute de cette occasion qui a fait tant de grands hommes. Mais dans cette ville qui était déjà la capitale du monde intellectuel les circons- tances se multiplièrent à l'envi pour mettre au jour son érudition, son savoir et ses brillantes qualités d'orateur. Il possédait à un si haut degré l'art de la parole, que des comédiens vinrent l'entendre et prendre modèle sur son débit : il n'était pourtant point un rhéteur et avait le don de la véritable éloquence. Aussi le vit-on étonner et ravir tout le monde dans les conférences qu'il tint chez l'abbé Bourdelot et chez Denis : sa renommée grandit rapidement. — Du Verney fut un des premiers vulgarisateurs des sciences naturelles et particulièrement de l'anatomie. Sous ce rapport il est un des ancêtres de M. Figuier dont les ouvrages instructifs et attrayants font circuler les bonnes traditions de la science et des arts jusqu'au sein des masses. Mais tandis que l'un écrit pour des gens avides de s'instruire, l'autre s'adressait à un public et à une cour que l'exemple d'un monarque entraînait sur la pente des plaisirs et des amu- sements frivoles. Le temps n'était pas d'ailleurs bien éloigné où il fallait se cacher dans des caves ténébreuses pour oser porter un scalpel téméraire dans les flancs d'un cadavre. L'anatomie, cultivée seulement par quelques fervents, n'avait pas encore pu se produire au grand jour comme si elle eût encore eu peur de blesser le sentiment de nos pères sur l'inviolabilité des morts. Ces scrupules n'avaient pas disparu et ils ne devront pas disparaître de longtemps : ils ont leur source au cœur même de l'homme et se retrouvent chez tous les peuples et dans tous les rites religieux. De nos jours aucun cauchemar n'agite plus