page suivante »
TABAC, CIGARES ET PRISEUSES. En songeant à l'immense débit de cette marchandise, on ne peut qu'être affligé de voir tant d'argent s'en aller en pou- dre et enfumée. A l'aspect des régions où croît le tabac, on a quelque peine à concevoir que ces vastes et ver- doyantes plantations s'engloutissent dans les narines de l'homme, ou se consument entre ses dents. Si la coutume d'user de ce produit n'était poit établie parmi nous, et qu'un voyageur nous rapportât qu'il a vu une peuplade sauvage, tantôt aspirant avec la bouche une matière en combustion, tantôt se remplissant le nez de cette matière broyée, nous ririons de cet usage bizarre, et gémirions sur le peu de ci- vilisation de la contrée où il règne ; mais l'habitude de voir les choses les plus singulières les fait paraître toutes naturelles, et nul ne s'étonne maintenant à l'aspect de ces nez noircis, semblables à des cheminées, ni de ces volcans portatifs nommés pipes, dont la mode se propage chaque jour, et si bien, qu'aujourd'hui il n'est pas rare d'en voir entre les mains de bambins qui vont apprendre à lire, et dont les lèvres, qui ont à peine quitté le sein d'une nour- rice, sucent en grimaçant le bout d'un brûlot. Lutter contre une habitude aussi générale serait folie; j'entreprendrai seulement, à cette heure, d'en chercher les bons côtés pour les hommes. Le tabac purge le cerveau, dit-on, et je crois impossible de le nier en voyant les mou- choirs, les jabots, les gilets de messieurs les priseurs. A l'entour d'eux tout porte les traces de ce régime purgatif;