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                              BEAUX-ARTS.                      307

admirable ; les lignes sont grandioses comme la création
dantesque ; les tons gris et sourds s'harmonisent admira-
blement avec la roche livide; les types et les poses,
expressions variées de la douleur, transportent dans un
monde fantastique; ces yeux fermés à la lumière par le
châtiment divin donnent aux visages quelque chose de
morne et de désolé qui remplit d'angoisse.
   Virgile et Dante sont d'une exécution plus solide.
   L'austère silence de la scène n'est rompu que par le
dialogue entre le poète et l'âme qui fit à Sienne le pèle-
rinage de sa vie (1).
   « Ame qui sage ne fut, quoique sage nommée, parce
qu'elle se sentit plus joyeuse des malheurs des autres que
de son propre bonheur (2).
   Elle est représentée sous la forme d'un vieillard qui
tient le menton levé à la façon d'un aveugle (3) ; elle
écoute le poète qui s'incline vers elle...
   Evidemment, dans cette tonique de tristesse, il n'y
avait pas place pour des jeux éclatants d'ombre et de
lumière.
   S'attacher aux types, bien dessiner les personnages,
individualiser chaque forme avec précision, se tenir
dans les gammes du peintre par la teinte générale, voilà
ce que le graveur devait se proposer, et voilà ce qu'il a
fait avec tout le bonheur d'un burin aussi sobre que sûr.
   Après un instant, le regard est de plus en plus satis-
fait ; la reproduction donne du tableau une idée parfaite.
   La tête de vieillard conserve l'air vénérable qu'elle
a dans la peinture ; la draperie qui couvre le personnage
de gauche fait bien sentir le corps; et la figure accroupie
au coin du tableau est accentuée dans toute son origina-
lité. .
   Le Virgile, d'une beauté antique, a la sérénité
douce que le peintre lui a imprimée avec amour.
   M. Lehmann a également compris le caractère de
finesse idéale et d'énergie donné au personnage du Dante.
   Nous louerons encore le sentiment de masse qui relie
savamment les détails à l'ensemble, et qui ôte aux con-
  (1) Che vivesse in Italia percgrina (Purg. Ch. XIII.)
  (2)               Savia non fui, avvegna che sapia.
                     Fossi cliiamata e fu'degli altrui danni
                     Piu lieta assai, che di ventura mia,
  (3) Lomento a guisa d'orbo in su levava.