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338 HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LYON. riode augustale, ses homélies ont dû revêtir les enjolive- ments du style à la mode. Si ces homélies, malheureusement les plus nombreuses du recueil, montrent, plus qu'il ne con- vient a la gravité du rôle 'de ce missionnaire, tant de traces de ses escrimes oratoires, c'est que le succès fut à ce prix. Au Y siècle, siècle d'affaissement général des intelligences, ® la société élégante et polie dont Sidoine a été, dans l'âge suivant, l'expression la plus brillante, cette société n'eût, pas accordé ses convictions a qui lui eût expliqué l'Evangile dans le langage correct et pur des Cicéron et des Quintilien. Mais, en présence d'une foule d'esclaves émancipés par la croyance nouvelle, d'une assistance de barbares, récente moisson de l'apostolat, d'une multitude accourue des foyers prolétaires, et lorsqu'il s'agissait d'interpréter les miracles de la rédemption depuis quatre siècles accomplie, Eusèbe, ce précieux, ce maniéré, ce Cotin de tout a l'heure, s'exprime le plus souvent dans un idiome simple, exempt de prétention et décidément purgé d'afféterie. C'est que, peu faites aux finesses d'une rhétorique subtile, ces populations veulent entendre parler une langue qu'elles comprennent. Les mignardises du style et de l'idée ne fe- raient pas fortune parmi ces mâles auditoires. Il leur faut une explication du fait, de la parabole, du mystère, nette, limpide, dépouillée d'artifices. Ainsi est-elle. En ces moments-là , comme notre Bridaine, Eusèbe appelle à son aide toutes les puissances : le ciel, l'enfer, l'éternité, le trépas ; il donne une voix a l'abîme et prête une forme au mystère, mettant en scène ce qui doit être dit, en perspective ce qui doit être raconté. De cette manière et sans y penser, il crée la poétique terrible et sombre où le moyen âge a puisé le merveilleux de quelques-unes de ses légendes, et Dante trouvé le ressort surhumain de l'épopée chrétienne. Empreints de ce caractère se montrent la première des