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152 LA NOUVELLE BANNIÈriE I>E SAINT-JEAN. Voila donc ce que l'on a détruit sans scrupule, pour mettre à la place un emblème de fantaisie qui n'a aucun intérêt, aucun mérite, pas même celui de l'à -propos. Ce n'est plus un monument historique, ce n'est pas da- vantage un objet de dévotion, et l'on a le droit de trouver ces figures fort déplacées, en tête d'une manifestation reli- gieuse. Tout est la de pur caprice. Pourquoi adopter le blanc qui n'a jamais été la livrée du Chapitre? Pourquoi cette double devise? Pourquoi ces deux sujets, l'un profane, l'au- tre religieux ? Pourquoi ce trèfle ? Pourquoi ces abeilles ? Pourquoi, enfin, cette confusion du lion de Juda et de celui de Samson ? Aucune idée, aucune règle n'a présidé h la composition de ces figures auxquelles le public ne comprend rien et qui tout sourire les érudits. Mais il y a quelque chose de plus fâcheux que le manque d'à -propos et l'obscurité de cette allégorie inopportune. Par une coïncidence fortuite, sans doute, mais qui n'en est pas moins malheureuse, il est arrivé que la nouvelle bannière est la copie toute pure de la marque d'un imprimeur lyon- nais. Nos amateurs de livres connaissent tous cet emblème si fréquent sur les livres de la fin du seizième siècle, et qui se retrouve même encore du temps de Louis XIII. L'iden- tité est frappante : même lion héraldique, même champ semé d'abeilles, même devise : DQ jorli dulcedo. La ressemblance est telle, que l'on en vient h soupçonner l'artiste qui a des- siné la nouvelle bannière, d'avoir copié servilement la mar- que de l'imprimeur. Ce récent exemple justifie une observation que, depuis quelques années, l'on a trop souvent l'occasion de faire. Nos souvenirs historiques s'effacent, nos traditions locales sont oubliées, nos monuments sont défigurés; tout le passé s'en va, disparaît à notre mémoire, et nous en sommes venus à ce point que l'on peut voir aujourd'hui porter au milieu d'une cérémonie auguste le décalque d'une vieille enseigne de boutique. A. STEYERT.