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mélange de grâce et de courage, qui imprimait à toute sa
personne un caractère de saisissante originalité,
   Il s'était ainsi fait, en un jour, un profond changement
dans les sentiments d'Etienne. Lorsqu'il entra dan« son petit
appartement, il n'y apporta plus cette paix dont il y jouissait
auparavant. Son premier regard ne fut plus pour ses collec-
tions, sa première attention ne fut plus pour ses livres.
S'asscyant à son bureau, non pour étudier, mais par habi-
tude, il laissa tomber sur ses mains sa tête fatiguée, ei se
plongea dans cet abîme de craintes renaissantes et d'espé-
rances infinies où nous jette un premier amour : ivresse dou-
loureuse et ravissante, dont les puissantes alternatives révèlent
au jeune cœur qui s'y livre son immense faculté de souffrir
et son immense besoin d'être heureux.
   Il fil enfin un mouvement, et son regard étant tombé sur
les papiers qu'il avait devant lui, il aperçut deux lettres non
décachetées qu'on avaient placées là pendant son absence
sans songer à l'en prévenir. Il reconnut à l'adresse l'écriture
de l'abbé Bertrand. Cette diversion vint suspendre ses ré-
flexions, et il lut les lettres du chapelain,
   La première ne contenait que les quelques lignes sui-
vantes:
   « Voici un nouveau sujet de douleur pour nous, mon cher enfant!
Mademoiselle de la Fare est morte. J'en reçois la triste nouvelle à l'instant.
Elle s'est éteinte sans souffrance, avec le calme et la confiance qu'elle
puisait dans sa douce piété.
   « Pleurons-la, mon enfant, pleurons-la ! Mais que nos larmes soient ré-
signées et sans amertume, comme celles du Sauveur pleurant son ami
Lazarre!... Sans doute, noire bienfaitrice n'est plus parmi nous, et son
absence fait notre chagrin. Mais elle ne nous a quittés que pour entrer en
possession des bienheureuses destinées réservées à son âme élue. Voilà
notre consolation.
   « Adieu, mon cher Etienne, je te serre sur mon cœur.
                                                 « L'abbé BERTRAND. »