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444 1A SUAV10LA. mélange de grâce et de courage, qui imprimait à toute sa personne un caractère de saisissante originalité, Il s'était ainsi fait, en un jour, un profond changement dans les sentiments d'Etienne. Lorsqu'il entra dan« son petit appartement, il n'y apporta plus cette paix dont il y jouissait auparavant. Son premier regard ne fut plus pour ses collec- tions, sa première attention ne fut plus pour ses livres. S'asscyant à son bureau, non pour étudier, mais par habi- tude, il laissa tomber sur ses mains sa tête fatiguée, ei se plongea dans cet abîme de craintes renaissantes et d'espé- rances infinies où nous jette un premier amour : ivresse dou- loureuse et ravissante, dont les puissantes alternatives révèlent au jeune cœur qui s'y livre son immense faculté de souffrir et son immense besoin d'être heureux. Il fil enfin un mouvement, et son regard étant tombé sur les papiers qu'il avait devant lui, il aperçut deux lettres non décachetées qu'on avaient placées là pendant son absence sans songer à l'en prévenir. Il reconnut à l'adresse l'écriture de l'abbé Bertrand. Cette diversion vint suspendre ses ré- flexions, et il lut les lettres du chapelain, La première ne contenait que les quelques lignes sui- vantes: « Voici un nouveau sujet de douleur pour nous, mon cher enfant! Mademoiselle de la Fare est morte. J'en reçois la triste nouvelle à l'instant. Elle s'est éteinte sans souffrance, avec le calme et la confiance qu'elle puisait dans sa douce piété. « Pleurons-la, mon enfant, pleurons-la ! Mais que nos larmes soient ré- signées et sans amertume, comme celles du Sauveur pleurant son ami Lazarre!... Sans doute, noire bienfaitrice n'est plus parmi nous, et son absence fait notre chagrin. Mais elle ne nous a quittés que pour entrer en possession des bienheureuses destinées réservées à son âme élue. Voilà notre consolation. « Adieu, mon cher Etienne, je te serre sur mon cœur. « L'abbé BERTRAND. »