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tA SUAVIOLA. 403 Mais après ce mouvement d'incrédulité, il eut un mouve- ment tout contraire. Cette lutte était fatigante, il continua pourtant sa marche, livré aux mêmes alternatives, et lors- qu'il arriva enfin aux abords du bas-fonds vers lequel il se dirigeait, il avait de plus en plus perdu de vue le motif de son excursion. Il ne fallut pas moins que la bizarre déclivité du sol et le complet changement de la température pour l'avertir qu'il touchait au but de sa course et lui rappeler l'exploration qu'il avait projetée. Il descendit la rampe d'un rocher divisé en étages. Puis il se trouva en face d'un étroit vallon, frais, vert, délicieux, ta- pissé de chèvrefeuilles et émaillé de gazons fleuris. Le merle y sifflait joyeusement ses airs printaniers , et un limpide ruisseau y décrivait ses capricieux méandres, soupirant sans fin sa douce chanson, La rianle et hospitalière nature de ce site contrastait tellement avec la triste et ingrate nature du sife qu'habitait Etienne, qu'il se trouva ravi. Quel jeune coeur n'a aimé à saluer le retour du printemps, alors qu'il arrive avec son charmant cortège de verdure, de fleurs, de ruisseaux azurés et d'indicibles mélodies!... Et quel ne dut pas être le sentiment de bonheur qu'éprouva Etienne alors que venant de quitter, depuis quelques heures seulement, sa solitude, voisine des glaciers, il se trouva dans le riant vallon qu'il contemplait!... Les impressions qui le subjuguaient ainsi à la fois,sans gradation, étaient si enivran- tes qu'il fut comme ébloui et ferma les yeux. Mais il les rouvrit aussitôt et laissa échapper un cri de surprise, en croyant apercevoir encore une jeune fille, toujours ia même, disparaissant cette fois, non dans les profondeurs d'un bois de mélèzes, mais derrière les flexibles rameaux des chèvre- feuilles. — Eh ! bien, dit-il, voilà qui doit me convaincre de plus en plus que ma vision n'est qu'un jeu de mon imagination ;