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LA SUAVIOLA. 393 C'était un jeune homme de vingt-trois ans à peine, mais sérieux jusqu'à la tristesse, livré aux vagues contemplations de l'isolement ou absorbé par l'austère attrait de l'étude. La botanique était son occupation préférée. Ne s'aslreignanl que le moins possible aux assujettissants devoirs de ses fondions, il partait seul presque tous les malins, allant rêver sur les hautes cimes ou s'abandonnant à ses studieuses explorations et franchissant, dans ce dernier cas, les longues dislances qui le séparaient des lieux où il pouvait espérer découvrir quelque plante nouvelle. Puis, le soir, lorsqu'il rentrait, il s'enfermait dans sa chambre, et y passait souvent les nuits entières à continuer ses rêveries de la journée ou à se rendre compte du résultat de ses recher- ches. Un jour, au moment où Etienne se retirait dans son petit appartement, au letour d'une longue excursion, deux doua- niers venant de côtés différents, mais rentrant ensemble, se présentèrent vivement à lui. — Lieutenant, lui dit l'un d'eux, nous avons besoin d'être sur nos gardes ! Les nuages sont bien noirs, un gros ouragan se prépare, et les fraudeurs essaieront infailliblement de traverser le défilé à la faveur des ténèbres et du mauvais temps. J'ai d'ailleurs surpris quelques-uns de leurs signaux, et tout annonce qu'ils tenteront le passage cette nuit. — C'est entendu ! répondit le jeune lieutenant, nous allons nous occuper de cela tout à l'heure. Puis, s'adressant à l'autre douanier, qui semblait attendre d'être interrogé pour parler. — Et vous, luidemanda-t-il, qu'avez-vous à m'apprendre? — Quelque chose qui vous fera plaisir, mon lieutenant!... vous connaissez le petit sentier descendant que l'on trouve en face d'ici ? — Certainement.