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338                          POÉSIE.

  — Eh bien, dit l'enchanteur, pour vous jusques vers elle
  J'irai, puisqu'il le faut ; je veux, en son manoir,
  Pour vous gagner le cœur et la main de la belle,
  De mes enchantements essayer le pouvoir.

  Mais vous, pendant ce temps, partez pour Cachemyre,
  L'ondoyante vallée et le soyeux empire
  Où s'étalent, au sein de palais radieux,
  Des tissus séduisants, des châles merveilleux.

  Allez, pour la beauté dont l'attrait vous enchante,
  Conquérir ces trésors et leurs charmes puissants ;
  Ils ont une vertu moelleuse, assouplissante,
  Qui fléchit les rigueurs et pénètre les sens. —


  Mais ils sont bien gardés ! Une race vampire
  De monstres mielleux, sournois, bien cravatés,
  Dévore l'imprudent qui s'y laisse séduire ;
  On les nomme, là-bas, Commis en nouveautés.

  Il faut, pour les combattre, une âme forte et fiere,
  Un front d'airain, un bras vaillant, il faut encor
  Pour les vaincre, échanger (c'est là tout le mystère)
  Votre armure de fer, contre une armure d'or.

      Il partit à ces mots et sans reprendre haleine.
      Couvert de son écu, le jeune chevalier '
      Hardiment guerroya pendant une semaine,
      Epée et lance au poing, sur son grand destrier.

      Il revenait vainqueur... Or, pendant son absence,
      La belle avait dit : Oui — laissant parler son cœur.
      Devant si doux aveux enivré d'espérance,
      Le chevalier faillit mourir de son bonheur.