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                       ESSAI SUR LE LIVRE'DE JOB.                     241
d'un pareil fait ? M. Moglia déclare qu'il l'a puisé dans le faux Esdras,
livre retranché par l'Église du canon des Écritures. Ainsi, c'est sur
une donnée apocryphe qu'on appuie un fait non moins étonnant que
le passage de la mer Rouge et l'introduction dans la terre promise !
Et quelle valeur historique M. Moglia trouve-t-il au faux Esdras pour
remplacer l'autorité que l'Église lui aretirée? Le témoignage de ce livre
a-t-il quelque consonnance avec celui des livres canoniques ? Nulle-
ment. Aucun d'eux ne fait même allusion à la fuite des dix tribus.
Bien mieux, le véritable Esdras, en rendant compte de son retour
de la captivité, suppose l'existence des dix tribus dans les lieux où
Salmanasar les avait transportées. Et l'auteur des Actes des apô-
tres les retrouve cinq siècles après, partout établies en Orient. Mais
alors le faux Esdras est soutenu par l'histoire profane? Pas davantage.
L'histoire profane qui note tant de migrations de peuples, est complè-
tement muette sur celle des dix tribus. Ce voyage extraordinaire de
plusieurs millions d'individus n'a laissé de traces dans les annales
d'aucune nation. Josèphe, si instruit de tout ce qui regarde le peuple
israélite, n'en sait pas un mot. Il affirme au contraire que les dix
tribus restèrent au-delà de l'Euphrate (1). Mais ce qu'il y a de plus
étrange c'est que ces dix tribus, si parfaitement cachées dans le
monde, M. Moglia les connaît si bien qu'il peut affirmer qu'elles ont
persévéré dans leur fidélité, que Dieu n'a pas cessé de leur prodiguer
les preuves de sa prédilection spéciale et, qu'en définitive, on est eu
droit de soupçonner qu'elles habitent l'intérieur de l'Afrique; qu'il
s'en est peu fallu que, tout dernièrement le capitaine Speeke ne les
ait découvertes en allant à la recherche des sources du Nil ; mais
que. ce qu'il n'a pas fait, d'autres explorateurs ne tarderont pas aie
réaliser. M. Moglia nous le pardonnera, mais une semblable manière
d'écrire l'exégèse la place à côté du roman.
   Nous regrettons que Fauteur si estimable et si pieux de l'Essai sur
le livre de Job se soit laissé entraîner à des visions fantastiques qui
gâtent son livre. Après les sérieuses études qu'il a faites sur les saintes
Écritures, avec la pénétration qu'il déploie et l'érudition dont il s'est
entouré, nous ne doutons pas qu'il ne fût parvenu à un très-bon résul-
tat, s'il avait pu s'affranchir de certaines préoccupations. Puisqu'il
nous fait espérer que ses deux volumes ne sont qu'une introduction à
un plus vaste travail sur la parole divine, il lui sera facile de modifier,
de réformer, de rendre plus acceptable ce qui semble paradoxal dans

 (1) Josèphe, livre XI, c. v.
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