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ESSAI SUR LE LIVRE DE JOB. 239 mis dans un beau jour, et avec une forme neuve et sensée, les idées de l'évêque d'Hippone. Selon lui, l'œuvre de saint Jean renferme la lutte incessante du bien et du mal, commençant dans le monde avec l'existence du christianisme, se poursuivant avec des phases diverses pendant le cours de sa durée ; le triomphe naturel du mal, le triomphe surnaturel du bien, le combat ou l'accord do la grâce et de la liberté, l'excès de la miséricorde du côté de Dieu, la victoire de la grâce dans la société des saints, enfin les prodiges de la perversité du côté des méchants; puissance du bien, puissance du mal, et cette dernière prenant, à notre époque, un caractère particulièrement alarmant et précurseur d'une grande catastrophe. Ce n'est pas que M. Miche), dans le développement de ces idées, n'apporte à son tour des préoccupations personnelles et des manières de voir difficiles à admettre. Par exemple, M. Michel est aussi millé- naire, seulement il l'est dans un sens tout différent de celui de M. Moglia. L'auteur de VEssai sur le livre de Job place la période millénaire à la fin des temps, tandis que l'auteur de la Révélation de saint Jean la suppose déjà passée. Selon lui, c'est le règne du Christ, tel qu'il est inscrit dans l'histoire pendant mille ans, alors qu'au sein de la société chrétienne, le mal, l'erreur, bien qu'ils se fassent jour quelquefois, n'ont aucun droit reconnu, constaté. Cette période est celle qui, commencée â Charlemagne, finit à la destruc- tion du saint Empire, et où l'Église, incontestablement souveraine, gouverne le monde par sa doctrine et ses lois. Si le millénarisme de M. Moglia est trop merveilleux, peut-être celui de M. Michel est-il trop vulgaire. Si le règne de J.-C. avec ses saints doit être une période d'éclatant triomphe, il faut convenir que celle assignée par M. Michel répond trop imparfaitement à cette idée. L'ac- tion de l'Église au moyen-âge, bien qu'admirable, s'exerce sur des éléments trop grossiers, trop barbares. Elle n'a point encore sous sa main la science révoltée et la civilisation orgueilleuse. D'ailleurs, l'em- pire de J.-C, au moyen-âge, est loin d'avoir.conquis son étendue; les trois quarts de la terre sont en dehors de ses limites. 11 nous semble que l'Église doive espérer une période de gloire plus prononcée, plus universelle, en un mot plus complète. Il ne peut non plus nous entrer dans l'esprit que les cinq septièmes des événements prédits dans l'Apocalypse soient déjà accomplis. Il est fâcheux qu'une appréciation exagérée des faits de l'histoire engage M. Michel à circonscrire, à sou tour étroitement, l'action de la Providence. Mais le principe de