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L'AFFÛT DU LOUP BLANC. Ml Les autres habitués regardaient Bertelin avec surprise. Quelle mouche le pique? murmurait Pitoflar — Breum! Breum! Breum! toussottait Matheron en se- couant la tête a se rompre les vertèbres cervicales. — Il ne faut pas, attestait Corniflet, vendre la peau du loup qu'on ne l'ait mis par terre... Le repas fut assez copieux et largement arrosé. Bertelin voulut remplir d'eau-de-vie la gourde de Grenaille. Le brave garçon partit vers huit heures, suivi de Bricolo, bien repu, et si guilleret qu'il essaya une cabriole en l'hon- neur de la société, et ébaucha en guise d'adieu un aboie- ment enroué... — Holà ! compère, dit Pitoflar a Bertelin : vous venez de conclure un drôle de marché ! — Ça se pourrait, case pourrait bien; oui, ma foi de Dieu ! mais qu'est-ce que je hasarde ? D'abord, vous le savez , Grenaille ne tuera ni ne blessera le loup blanc, c'est impossible. Mon double louis ne risquera rien. S'il le voit sans le blesser , j'ai mon couple de bécasses ; s'il ne le voit pas.... je l'aurai tout de même en le priant un peu, il ne sait pas refuser. Au pis-aller, j'en serai pour mon omelette Mais au moins j'aurai fait passer une nuit Manche, et bien blanche ( il neige là -haut !) à ce vilain ra- vageur, et si par hasard il tire le loup, voila sa vieille rouil- larde, qui ne nous laisse pas seulement un de nos per- dreaux, à nous propriétaires, enfoncée jusqu'à ce qu'il ait c; fusil double pour lequel il lui manque toujours 15 fr., et ce ne sera pas de si tôt!... — Voilà un plan machiavélique ! exclama maître Cor- niflet. Pitoflar se recueillit et dit : Bertelin, vous êtes méchant pour Grenaille.... c'est à cause delà chèvre, connu ! c'est digne d'un Anglais !...