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426                     BIBLIOGRAPHIE

qui composent son jeu. — Mais le jeu le plus alerte comme
le plus reluisant c'est encore celui de ses prunelles aux
mille regards, travaillant, noires ou bleues, sous leur mobile
paupière !
   « On jurerait des e'claïrs d'été, par intermittence entr'ou-
vrant un ciel calme ; peut-être aussi qu'il y a des orages
comprimés dans cet air et de la passion contenue dans ce
cœur.
   « Nous sommes pourtant au plus clair et au plus frais du
matin ; c'est l'Aurore même que cette jeunefille,et ses doigts
de rose semblent en tricoter les premiers rayons ; rose elle-
même, d'hier éclose, aucun papillon de hasard ne s'est en-
core posé palpitant sur la corolle de sa collerette, et le sou-
rire a fossette qui se dérobe aux coins finement enroulés de
ses lèvres n'a jamais été fait prisonnier, que je sache, parle
baiser de l'enfant Cupidon.
   « Mais, dites-moi, pourquoi tant de presse et tant d'en-
train a son labeur? — Une paire de bas de plus ou de moins,
ce n'est pas une affaire en cette printanière saison et en ce
montagnard pays. Les jambes nues vont courant sans danger
par les prés ou les taillis ; personne n'y songe a se scanda-
liser de les voir franchir lestement les talus d'ajoncs fleuris
et les meules de foin embaumées. Hors les serpents ou les
épines, rien n'est à craindre, là, des terrestres piqûres. Si,
parfois, quelque beau faucheur ou bûcheron remarque le
mollet tourné et la cheville amincie, ou en aperçoit, — à son
corps défendant, — un peu plus qu'il ne sied, la colonnette
évasée sous la jupe bouffante, celui-là se garde bien de té-
moigner son émoi jusqu'à ce que les cloches du village se
chargent elles-mêmes, au bout de l'an, de le sonner sur tous
les toits.
   « Adorable simplicité des mœurs champêtres ! sainte et
saine nature des êtres et des choses ! — cimes bénies des
Alpes et des Ararats, c'est entre vos forêts et vos rochers
que l'arche d'alliance s'est jadis amarrée, et notre arc-en-
ciel sauveur y appuie journellement, encore, la voûte de son
pont éternel !
   « Comme elle tricote, la jeunefille! a dos de jeu avec ses
longues aiguilles et ses plus allongés regards... En telle pres-
tesse, que, ça et la, nombre de mailles lui échappent qu'il
lui faut ensuite reprendre en modérant son impatiente ardeur.