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170 ON NE CROIT PLUS A RIEN. « — C'est que je suis du Sud, reprit-il en s'asseyant, ma mère était Française, et moi même je suis aussi Français qu'Américain... Mais, pardon, je vous dois des excuses pour une visite si matinale; toutes mes heures étant p'rises, dans la semaine, j'ai pensé que le dimanche matin, si je ne vous dérangeais pas trop, nous serions plus libres de causer à loisir. Pendant qu'il parlait, j'étudiais l'extérieur du personnage. C'était un petit homme qui paraissait âgé de quarante ans, au moins, et dont les cheveux grisonnaient un peu. Il por- tait un habit noir, d'un lustre équivoque; et, sur une cra- vate blanche, j'ai rarement vu plus honnête figure, rasée de frais. Ce visage, avait une expression de bonhomie et de droiture, où perçait un peu de tristesse. Son sourire, pen- dant qu'il me présentait ses excuses, était d'une douceur, d'une grâce mélancolique qui charmait et touchait a la fois, le sourire de l'homme qui a souffert ; ses yeux seuls, abri- tés derrière ses lunettes, échappaient un peu à mon obser- vation. Sa voix grave et profonde impressionnait plus forte- ment que sa personne , qui, vraiment, pour un médium, n'avait rien de bien effrayant et inspirait plutôt la sympathie que la peur. Il a l'air d'un brave homme, me disais-je, déjà tout enchanté d'avoir ce petit homme modeste et presque timide , au lieu du Méphistophélès que s'était, je ne sais de quel droit, forgé mon imagination. — C'est moi, Monsieur, lui dis-je, qui dois vous remer- cier de l'empressement que vous mettez à venir me trouver ; je n'attendais qu'un mot de vous pour aller moi-même... — Pardon, je reçois chez moi le moins possible, m'étant aperçu que la crainte d'y rencontrer des visages de connais- sance mettait parfois les visiteurs mal à l'aise ; mais, apô- tre d'une doctrine nouvelle, je dois me dévouer à ma tâche, et, toujours prêt à répondre à tous les appels, j'ai pris l'ha-