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ON NE CROTT PLUS A RIEN. 83 qu'a Genève, gagna le lac, atteignit un bateau a vapeur, y trouva Ravinel, entra dans sa poche, pénétra dans son por- tefeuille, et, avec mon aide , y compta distinctement mes douze mobiliers ! A moins d'exiger qu'elle mêles rapportât, que pouvais-je demander de mieux ? Eh ! bien, non, je n'étais pas content ; j'étais déjà renseigné sur trois des points car- dinaux, le nord, le midi et l'est; le couchant m'inquiétait. J'espérais que la quatrième sorcière me conduirait en Amé- rique. Quelle chance ! elle n'y manqua point ! Je rentrai chez moi après cette heureuse tournée. Et savez- vous a quoi je pensais? J'aurais voulu savoir ce qu'avait pu dire la somnambule du bottier. Qui sait?... le Teuton avait peut-être rencontré la bonne Ah ! qu'on est bête, quand on a perdu ses mobiliers! J'ai su depuis que mon homme avait aussi consulté ma troisième; mais cet imbécile, en somme, avait été moins bête que votre serviteur : d'abord il avait eu l'idée, ce qui est quelque chose; ensuite, il s'en était tenu a la première épreuve, comprenant qu'en fait d'idées il ne faut pas abuser des meilleures. C'est ainsi que l'on croit, et puis que l'on décroît. Voici comme on recroit : J'étais rentré chez moi désespéré. Laissant tomber lour- dement mon corps dans mon fauteuil, les coudes sur ma table, ma tête dans mes mains, je restai longtemps ainsi immobile, accablé, n'ayant plus même la force de penser. Sur la table où je m'appuyais, il y avait, juste entre mes deux coudes, un papier imprimé. Pendant que j'étais plongé dans cet anéantissement, mes yeux, qui n'avaient rien a faire en ce moment qu'à pleurer, si mon orgueil eût pu le leur permeitre, se trouvant justement au-dessus du papier,