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CAFÉS ET BRASSERIES, A LYON. J'entends proclamer chaque jour les victoires du progrès, et, en effet, tout ce que nous voyons semble entrer dans la voie des plus magnifiques embellissements. Ainsi les brasseries, dans le genre allemand, ont peuple notre ville, et ces établissements, qu'autrefois l'on rencontrait seulement sur les limites de la campagne, sont dissémines à profusion dans l'intérieur de notre ville régénérée. Au lieu d'être servis par de vulgaires garçons, les consommateurs ont à leurs ordres de jolies et gracieuses jeunes filles, parfaitement apprivoisées et nullement sauvages, Dans le temps où la mythologie était à la mode, on les aurait comparées à la charmante Hébé, descendue sur la terre pour enivrer les mortels de grâces et de nectar. Aujourd'hui que la chope et le moos ont succédé à la coupe, Hébé ne serait plus comprise, et les expressions qui remplacent cette céleste appel- lation deviennent un peu plus réalistes. Il faut bien avouer, d'ailleurs, que la physionomie de ces beautés tient plus de la Venus plebeia quœ gemino vincitur asse (Mart. II, 53) que de l'échanson féminin de l'Olympe. Elles peuvent faire de nom- breuses chutes sans que leurs maîtres se montrent aussi sévères que le fut Jupiter à l'égard de la malheureuse Hébé, obligée de céder son office au jeune Ganymèdc, parce qu'elle tomba d'une manière peu décente devant le roi des dieux ( Noël, Dict. de la fable). Une brasserie de la rue de l'Impératrice a voulu détrôner le sexe féminin, et elle a imaginé d'enrôler à son service déjeunes nègres sans alliage et par conséquent d'un beau noir d'ébène. C'est moins gracieux que de jeunes filles, mais c'est plus ex- centrique, et l'excentricité est un moyen qu'il ne faut pas dé-