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122 LITTÉRATURE. nions du philosophe, disciple trop confiant d'un maître qui l'égaré, souvent le poète, par l'instinct d'un esprit droit etd'uneâme élevée, sent et pense tout différemment. Je ne vous en citerai aujourd'hui qu'un seul trait quej'em- prunte à un de nos maitres les plus cbers et les plus ho- norés, M. Patin. Le philosophe s'efforce de chasser du monde l'intelligence suprême qui l'a créé, qui en a ordonné toutes les parties dans sa bonté infinie ; le poète l'y ramène par cette belle personnification de la nature gouvernante et créatrice, natura gubernans, natum creatrix, qui, vous le comprenez, Messieurs, n'est autre chose que Dieu sous un autra nom. Du reste, bien que Lucrèce suive Epicure dans sa mo- rale comme clans sa métaphysique, il prend cette mo- rale, si je puis ainsi parler, par son bon côté. Car elle en a deux; et les conséquences corruptrices qu'ont juste- ment signalées à l'indignation du mondre les stoïciens, les Pères de l'Eglise, et, nous venons de le voir, Mon- tesquieu, Epicure ne les a jamais tirées lui-même de sa doctrine. Bien plus, nous le voyons par une de ses lettres que nous a conservée Diogène Laërce, au lieu du plaisir et de la volupté, il prêchait à ses disciples la mo- dération, la simplicité de mœurs, je dirais presque le renoncement. Ses adversaires, il est vrai, voyaient là une pure habileté, mais nous n'avons pas à examiner celte question. Quant à Lucrèce, l'accent pénétrant et profond qui vibre dans ses beaux, vers est un sur garant de sa sincérité quand il enseigne si éloquemment le danger des passions, la folie de l'ambition, le bonheur d'une vie simple et tranquille. Les stoïciens n'ont pas dit mieux. On est étonné de voir ce transfuge des