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POÉSIE SATIRIQUE DU XVIe SIÈCLE. 565 Je m'esbahis dont vous tenez la guize (1) D'estre en l'église ainsi encaquetées. C'est grant horreur comme l'on se desguise. Avez-vous guise cette façon exquise Trez mal acquise : qui vous fait effrontées Trop moins doubtées et trop plus eshontées Que les hantées publiques et infâmes. Honte siet bien a bonnes preudefemmes. Lorsque devez dire vos oraisons, Riz et blazons (2) en l'église cherchez ! Mieulx vous serait de garder voz maisons Que jamais homme par telles achoisons (3) N'.eust les prisons ! (4) — Que de voz yeux tranchez (5) Vous y marchez ainsy qu'en pleins marchez Et rcmarchez mignons à vostre veuil(6). C'est en amour un grant poste que l'œil ! Pour comprendre ces derniers vers, il faut prendre les mots marcher et remarcher à double sens: outre leur accep- tion naturelle, ils signifient, dans l'ancien langage, faire tra- fic et marchandise : idée corrélative aux vers précédents, qui accusaient les Lyonnaises d'assimiler les églises aux maisons où l'amour se vend. Le sens de ce passage serait donc celui- ci : Mieux vaudrait qu'avec vos yeux ouverts effrontément vous ne vinssiez pas trafiquer, comme dans un marché, de votre beauté, avec les galants, qui ne sauraient résister à vos œillades.—-Cette signification se trouve confirmée par les vers suivants, où est rappelée l'histoire des marchands chassés du temple: (1) Guize, manière. (2) Blazon, bavardage, médisance. N'y pourrait-on voir l'étymologic de l'expression familière : blague ? (3) Aehoisrm, occasion. (4) La prison pour dettes.. (5) Trenchez, trop ouverts, effrontés. * (6) Veuil, volonté. î. DE LUBAC. (A continuer).