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DES EGARDS DANS LES MOEURS LITTERAIRES. Tout homme qui lient une plume semble se reconnaître une certaine supériorité, puisqu'il s'accorde à lui-même le droit d'instruire ses semblables. Mais, s'étant donné ce droit, il ne faut pas qu'il néglige le chapitre corrélatif des devoirs. Nos productions portent l'empreinte de notre personnalité, et lorsque nous parlons au public par nos ouvrages, nous exposons à ses yeux notre individu, avec nos qualités el nos défauts. Derrière toute ligne imprimée se dresse la silhouette accusée de l'auteur, profil antique ou caricature vulgaire ; nul ne saurait se dérober à celte loi si bien définie que le style c'est l'homme, el celui qui cherche à se déguiser ne peut y réussir : il se peint mieux encore, el se peinl hypocrite. Lors donc qu'un auteur voudra que l'on fasse quelque es- lime de sa personne, il devra avoir pour premier souci celui de sa propre dignité; n'oubliant jamais ni le respect de lui- môme, ni le respect d'aulrui, qui sont solidaires. Si vous je- tez à ce miroir, qu'on appelle le monde, un regard assombri par des passions malsaines, ce môme regard se réfléchira vers vous, injurieux el méprisant : si vous lancez la boue, elle rejaillira sur votre front. Ces principes, qui devraient ôtre inscrits à la première page du code de l'écrivain, sont Irop souvent méconnus. Nous voyons journellement, à proposdes questions les plus oiseuses, des avalanches d'injures s'échapper de la main des plumitifs. S'agil-ilde déchilïYer une inscription romaine, de reconnaître l'emplacement d'un monument jadis célèbre, les opinions di- verses se font jour, s'entrechoquent: à la moindre contradic- tion les colères s'allument, el voilà de fort honnêtes gens, doués des mômes aptitudes pour les choses de l'esprit, fails pour se comprendre el s'apprécier mutuellement, qui se dé- chirent au nom de la science. La Presse provinciale nous donne trop souvent le spectacle de ces brutalités banales ; que, ndas