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ÉLOGE DE RAVEZ. 247 neur de représenter une des trois branches de la puissance législative et de personnifier la plus haute expression élec- tive des institutions de son pays. Il pensa que son devoir d'honneur était de rester fidèle à leur mémoire et de porter leur deuil toute sa vie. Ce deuil respectueux du passé n'était ni une injure au présent, ni une égoïste indifférence pour l'avenir. Il sut éviter également les complaisances qui trahissent l'ambition de ressaisir le pouvoir, et les amer- tumes qui ressemblent au regret de l'avoir perdu. Il laissa les exaltés de la veille devenir en sens contraire les exaltés du lendemain, et changer sans cesse d'idole sans changer d'encensoir. Il savait que les plus modérés sont les plus fidèles, il prouva que les plus fidèles sont les plus mo- dérés. Dévoué aux intérêts de la France, s'associant*toujours a ses épreuves comme a ses succès, acceptant les charges, lie refusant que les honneurs, il savait tout attendre de là Providence, soit qu'elle dût combler un jour ses sympa- thies , soit qu'elle eût a lui demander une résignation éter- nelle. C'était la sérénité de cette sagesse chrétienne qui ne connaît ni le ressentiment, ni le désespoir ; également incapable de déserter la patrie commeThémistocle, ou la vie comme Caton. Gardant ses souvenirs, saris s'y absorber-, consolé par ses espérances sans en faire une menace, il sut vivre en s'ou- bliant lui-même, sans être oublié jamais. Toutefois, cet isolement des grandeurs ne saurait être l'ab- dication des facultés : le repos ne peut dégénérer en inertie, et, pour garder sa dignité, la retraite doit rester fécondé. Les uns se plaisent à l'embellir parle culte des lettres qui élèvent les sentiments et tempèrent les passions : les Muses rafraî- chissent l'âme a tout âge et on ne vieillit jamais h leur ser- vice. D'autres cherchent dans les voyages une diversion