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                      ÉLOGE DE RAVEZ.                       207

rent l'auditoire pour dominer les magistrats d'appel comme
ils avaient intimidé les premiers juges. Le jeune avocat per-
sonnellement menacé courut risque de la vie ; toutefois,
malgré les clameurs de la multitude, il sut faire triompher
encore sa calme et énergique parole. Le tribunal admit
l'inscription de faux contre le procès-verbal.
    Alors l'irritation des clubs'ne connut plus démesure. Ils
dominaient les conseils de la commune où régnait toujours
l'influence de Chalier ; les magistrats furent dénoncés sur
leurs sièges, et le défenseur jeté en prison. Tous se virent
en même temps accusés d'avoir conspiré contre le peuple;
on demanda qu'ils fussent tous ensemble traduits devant la
Haute Cour nationale ; l'Assemblée législative fut saisie.

   Pendant ce temps, Ravez restait enfermé dans la prison
que les hommes de bien devaient bientôt peupler seuls, et où
les premiers accusés politiques se trouvaient alors confondus
avec tous les malfaiteurs.
   Ravez ne se sentit pas humilié de ce mélange : Loyauté Wa
honte! et tel est l'ascendant de la vertu, que sa présence
imposait a ses étranges compagnons, qui éprouvaient d'ail-
leurs pour le courage désintéressé du défenseur un invo-
lontaire respect.
   La tradition nous a conservé le souvenir d'un singulier exem-
ple du pouvoir de l'éloquence sur les plus perverses natures.
    Un de ces malfaiteurs avait, dans la prison même, dérobé
 une montre à l'un des nombreux visiteurs de Ravez ; on
 n'avait pu découvrir le coupable. Le jeune avocat réunit
 autour de lui tous les détenus, et les rappela d'une manière si
 ferme et si touchante à ces sentiments de reconnaissance et
 d'honnêteté qui traversent quelquefois les cœurs les plus
 endurcis, que, le soir, on retrouva la montre à la place secrète
 que Ravez avait indiquée pour la restitution.